10 mythes à propos de ceux qui quittent les églises

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Ndlr : L’article ci-dessous a été publié au début des années 2000 sur le site voxdei puis repris sur blogdei, où il a fait l’objet d’interminables débats. Il s’agit de la traduction d’un article d’Alan Jamieson, pasteur baptiste, publié dans le magazine néo-zélandais Reality. Le sujet reste étonnament actuel. Spirited Exchanges, le forum du pasteur Jamieson, donne la parole à ceux qui ont quitté l’église ou n’ont pas trouvé d’aide pour poursuivre leur itinéraire spirituel. Alan Jamieson poursuit ses réflexions sur les chrétiens SEF (« Sans Eglise Fixe ») dans son blog Prodigal Kiwi. Vous pouvez retrouver en France d’autres SEF qui réfléchissent sur ce sujet sur la page facebook SEF - Sans Eglise Fixe !

Bien que l’expression « les chrétiens qui quittent l’’église » soit devenue presque un mantra, nous avons du mal à comprendre qui sont ceux qui s’’en vont, quand ils s’’en vont, pourquoi ils s’’en vont et ce qu’il advient de leur foi après leur départ. Bien sûr chacun a ses idées sur le sujet, mais très peu, surtout parmi les dirigeants de l’’église, ont pris le temps de s’’asseoir et de parler avec une ou deux personnes ayant quitté l’’église. Il est plus facile de s’’occuper de stéréotypes que de personnes réelles. Pour ceux qui veulent dépasser ces stéréotypes et se poser la question : « Qui sont ces gens qui s’’en vont de nos églises ? », l’’analyse de quelques mythes les concernant pourra s’’avérer très utile.

Mythe n°1 : On quitte seulement les églises traditionnelles

Il est vrai que les gens quittent les églises traditionnelles (1) mais ils quittent aussi les églises évangéliques, charismatiques et pentecôtistes. Ce sont les églises qui ont beaucoup grandi aussi bien en Nouvelle Zélande qu’’à l’étranger. Ces églises –qui mettent l’’accent sur l’’enseignement biblique, une adoration vibrante et plus d’’occasions de participation– ont attiré beaucoup de jeunes convertis et aussi ceux qui sont désillusionnés par les églises traditionnelles.
Cependant, ces églises en expansion ont aussi une ‘porte de derrière’ ou ‘une petite porte’. Combien s’’échappent par cette porte ? Chacun en a son idée, mais les études comme celle faite par Elaine Bolitho dans les églises baptistes en Nouvelle Zélande ont donné des informations sur ces églises, soit disant ‘en expansion’, et le nombre de ceux qui empruntent cette porte.
Bolitho a étudié l’’évolution du nombre des membres des églises baptistes (2). Elle a trouvé qu’’entre 1989 et 1996 le nombre de membres des églises baptistes de Nouvelle Zélande a connu une faible baisse (de 23.601 à 23.031 membres). Cependant, durant cette période plus de 11.000 membres sont entrés dans les églises baptistes. En tenant compte du nombre de ceux qui sont décédés, et du nombre de ceux qui sont entrés, elle en a déduit que les églises baptistes ont ‘perdu’ un total de 10.118 membres durant la même période.
Le résultat de ces sept années, une perte de 570 membres, représente le départ de 108 % des nouveaux arrivants. Pour cent nouveaux membres dans les églises baptistes de Nouvelle Zélande, il y a eu 108 départs. Ces départs ne comptent ni les décès ni les départs pour une autre église baptiste.
Cela représente une augmentation substantielle des départs par la petite porte en comparaison des périodes précédentes, entre 1948 et 1988, pour lesquelles Bolitho a fournit des chiffres comparatifs (3).
Les chiffres des églises pentecôtistes montrent aussi un grand nombre de départ de leurs membres. Les chiffres de l’’Eglise Apostolique de Nouvelle Zélande, par exemple, montrent une croissance récente, mais l’’analyse des chiffres révèle un taux de départ par la petite porte aux alentours de 10 % par an (4). Si les résultats de Bolitho et ceux de l’’Eglise Apostolique sont aussi valides pour les autres groupements d’’églises évangéliques, charismatiques et pentecôtistes, cela indiquerait un assez grand nombre de départ (et peut-être même que ces départs seraient en nombre croissant) pour ces églises également.

Mythe n°2 : Les gens qui partent sont de jeunes adultes à la périphérie de nos églises ou qui n’’y sont pas depuis très longtemps

Bien sûr certain de ceux qui partent se trouvent dans cette catégorie, mais ce ne sont pas les seuls qui s’’en vont. Dans la recherche que j’’ai faite, –basée sur 108 interviews avec des membres ayant quitté une église de Nouvelle Zélande–, j’’ai trouvé que ceux qui quittent les églises de Pentecôte et les églises charismatiques sont en majorité entre deux âges (70 % ont entre 35 et 45 ans) et étaient impliqués dans leurs églises respectives comme adultes (plus de 18 ans) pour une durée moyenne de 15,8 ans. Bien qu’’il y ait d’’autres types de personnes qui partent, c’’est une catégorie que peu de gens considèrent.

Mythe n°3 : Ceux qui ont des enfants sont moins susceptibles de quitter leur église

En 1990 (5), le magazine Newsweek a publié un article intitulé « Et des enfants les conduiront : les jeunes Américains reviennent à Dieu. » L’’article suggérait que les gens ayant été élevés dans l’’église, qui sont partis pendant la période turbulente des années 60 reviendraient probablement à l’’église quand ils deviendraient parents eux-mêmes.
Cela a aussi été affirmé par l’’étude de Roof (6) dans laquelle il affirme « sans l’ombre d’’un doute, les raisons les plus fréquemment citées (par les gens qui reviennent à l’’église) sont en rapport avec la vie de famille. L’’influence de l’’époux ou de l’’épouse et le souci d’’harmonie dans la famille sont des facteurs de poids, mais beaucoup plus importante est la religion de l’’enfance. La présence d’’enfants jeunes et scolarisés, et les sentiments de responsabilité parentale à leur égard incitent les parents à retourner à l’’église.  » (7)
Nous pensons comprendre que les enfants ramènent les parents à l’’église, ou les maintiennent dans nos églises, mais cette supposition est remise en question par les choix des gens que j’’ai interviewés. 80 % d’entre eux étaient responsables d’’enfants, mais ont décidé malgré tout de quitter leur église, avec comme conséquence inévitable le départ de leurs enfants.
De jeunes leaders ont suggéré que le groupe entre deux âges était le groupe le plus important pour le maintien de l’’intérêt et de la participation des enfants à l’église (8). Il se peut que les complaintes des enfants ajoutées aux insatisfactions profondes de leurs parents, fassent pencher la balance et entraîne le départ de toute la famille.

Mythe n°4 : Si maman et papa vont à l’’église, leurs enfants iront aussi en grandissant

Si maman et papa vont à l’’église, leurs enfants prendront aussi cette habitude en grandissant (9). En général, on pense que les croyances et pratiques de l’’enfance influencent fortement les attitudes de l’’adulte. Bien que cette influence puisse en effet affecter le contenu des croyances, des valeurs et de la foi à venir, la recherche récente a commencé à se demander à quel point le désir d’’aller à l’’église et de participer aux activités dépend des habitudes d’’enfance.
Une étude américaine sur un groupe de cinq cents adultes presbytériens âgés de 33 à 42 ans a découvert que l’’influence des relations positives entre parents et enfants était très faibles. L’étude en a conclu que  » l’’influence de l’’apprentissage social en bas âge était moindre dans nos données que dans la plupart des recherches effectuées dans le passé, et la raison en est probablement que notre échantillon consistait en un groupe d’’adultes de 33 ans minimum, tandis que les recherches précédentes s’’intéressaient à des jeunes du lycée ou de l’’université. »
 » Les effets de l’’apprentissage social de l’’enfance et de l’’adolescence semblent se dissoudre sous la pression des influences ultérieures. « 
Une autre étude soutient cette idée (10), ayant découvert que le partenaire de mariage devient plus important que l’’éducation religieuse de l’’enfance.
Dans ma propre recherche (bien qu’elle soit qualitative et basée sur un échantillon plutôt restreint), il n’’y a pas d’indication de différences majeures entre la foi de ceux qui ont eu une expérience d’’enfance avec une forte implication dans l’’église, et celle de ceux qui vivaient dans une famille Chrétienne de nom –ou même celle de ceux qui n’ont pas de passé Chrétien.
Parmi les gens interviewés, près de 28 % (11) avaient une foi très forte quand ils étaient enfants (ils assistaient aux programmes pour enfants ou jeunes adultes organisés par l’’église et étaient encouragés par l’’implication de leurs parents dans leur église). 40 % supplémentaires avaient un passé de Chrétiens de nom (ils pouvaient assister aux programmes des enfants ou aux programmes des jeunes, mais n’’étaient pas encouragés par l’’assistance et la participation de leurs parents dans l’’église). Finalement, 30 % des partants que j’’ai interviewés n’’avaient aucun passé religieux dans leur enfance ou leur adolescence.

Mythe n°5 : Les gens qui s’’en vont n’étaient pas engagés

Chacune des 108 personnes que j’’ai interrogées était engagée dans sa foi Chrétienne et son église locale à l’’âge adulte. Pour certains, c’’était la continuation d’’un engagement pris antérieurement, tandis que pour d’autres, c’’était une résolution prise à l’’âge adulte.
94 % de ceux que j’’ai interrogés avaient aussi joué un rôle important dans l’’encadrement de leur église et 40 % d’entre eux avaient pour une durée d’’un an ou plus, soit travaillé à plein temps dans un ministère de l’’église locale, d’ans un groupe para-éclésial de soutien aux églises ou pour une organisation missionnaire à l’’étranger, soit étudié dans une institution théologique - –certains avaient fait les deux.

Mythe n°6 : Ceux qui s’’en vont n’’ont pas de fondement solide dans la foi

Ce fait est également difficilement démontrable car on ne peut savoir avec certitude si les personnes que j’ai rencontrées sont représentatives de ceux qui quittent les églises. Les gens que j’’ai interrogés ont fait partie de leur église pour une durée moyenne de 15,8 ans.
94 % avaient un poste à responsabilité dans l’’église, et 40 % ont travaillé à plein temps dans un ministère Chrétien pendant au moins un an. Un tiers de ceux interrogés avaient suivi une formation théologique. En plus de cela, la plupart ont attesté de l’oeuvre de Dieu dans leur vie par des expériences claires et vivantes.

Mythe n°7 : Ils sont partis à cause de la pression croissante de la vie moderne

Beaucoup de dirigeants d’’église invoquent le fait que les gens sont beaucoup plus occupés de nos jours (les heures de travail d’’une part et les femmes allant travailler d’’autre part), et qu’’ils ont un grand choix d’’activités de loisirs (le sport du dimanche, les courses, la télévision, et l’’industrie des restaurants et des bars).
Les gens que j’’ai interrogés ont avoué que leur mode de vie avait bien changé, et certains en ont parlé comme un facteur qui a pu contribué à leur décision, mais aucun n’’a dit que c’’était le rythme de vie, ou le manque de temps, qui constituait le facteur majeur dans leur décision de partir.
Les facteurs sous-jacents étaient bien plus significatifs que la question du manque de temps pour participer aux activités de l’’église. En fait, beaucoup de ceux qui sont parti ont remplacé le temps passé à l’’église par d’’autres engagements en rapport avec leur foi.

Mythe n°8 : Ils sont partis à cause de disputes avec leurs conducteurs spirituels

Pour un petit pourcentage de ceux avec qui j’ai parlé, les raisons principales de leur défection avaient à voir avec la direction ou la vision de leur église, ou encore avec des désaccords avec leurs leaders. Très rarement, le motif de départ était unique. La plupart des gens ont invoqué une série de déceptions, de désagréments avec les leaders pendant une période prolongée de leur vie.
Pour la vaste majorité, de tels désaccords n’étaient que des points mineurs dans leur décision de départ. Pour beaucoup ce n’était que le point final dans un processus de départ qui avait duré des mois, sinon des années.

Mythe n°9 : Ils reviendront

Les personnes interrogées étaient inflexibles sur le fait qu’’elles ne retourneraient pas dans le genre d’’église qu’’elles avaient quitté. Dans certains cas, j’’ai pu gardé le contact avec ces personnes et, jusqu’’à maintenant, la grande majorité n’’est pas revenue.
Certains se mettent à fréquenter de façon sporadique un groupe d’’église différent de celle qu’ils ont quitté.
Même quand certains reviennent vers une autre église évangélique de Pentecôte ou une communauté charismatique, ils ont tendance à rester à la périphérie et ne s’’impliquent plus dans les rôles à responsabilité qu’’ils occupaient alors. Souvent, il existe une autre raison à leur retour; l’’église dispose par exemple d’’un groupe de jeunes dynamique pour leurs adolescents.

Mythe n°10 : Ils sont rétrogrades et ont abandonné la foi

En commençant mon étude, je m’’attendais à constater que la foi de ceux qui ne fréquentent plus l’’église se serait ’affaiblie et, qu’’à la fin, la plupart s’éloignerait de la foi Chrétienne. Cela n’a pas été le cas pour la plus grande partie de ceux que j’’allais interroger.
En fait, bien que ces gens n’avaient plus aucune intention de retourner dans l’église qu’ils avaient quittée, ils étaient aussi inflexibles dans leur détermination à poursuivre leur marche Chrétienne. C’’est ce paradoxe que je veux présenter dans l’’édition Juin/Juillet du magazine Réalités.

Bibliographie et notes

(1) Par ‘traditionnel’, je désigne les quatre grandes dénominations - Anglicane, Presbytérienne, Méthodiste et Catholique. Les chiffres ont montré un constant retrait des membres de ces églises.
(2) Qui sont moindres que les chiffres de l’église baptiste parce qu’ils ne représentent que les gens qui ont reçu le baptême ou qui ayant été transférés d’une autre église, ont choisi de devenir membres de l’église.
(3) Bolitho, E.E. (1997) Un trou dans le seau. Séminaire à Auckland, Waikato et Bay de dirigeants des églises baptistes, Octobre 1997 (Auckland).
(4) Taylor L. 1997 « Croissance des Dénominations  » dans Patrick B. éd) New Vision New Zealand Vol II, Auckland, Vision New Zealand. p 69.
(5) Le 17 Décembre.
(6) W C Roof : Une génération de chercheurs : Le voyage spirituel de la génération du Baby Boom (A Generation of Seekers : The Spiritual Journeys of the Baby Boom Generation), San Francisco Harper, 1993, p 246.
(7) Ceci était aussi soutenu par d’autres études et prédictions - par exemple Hoge, D.R. ; Johnson, B. ; Luidens, D.A. (1993) Facteurs déterminants dans l’implication aux activités de l’église chez les jeunes adultes qui ont grandi dans les églises Presbytériennes ( » Determinants of church involvement of young adults who grew up in Presbyterian churches « ), Journal for the Scientific Study of Religion : Vol 32 No 3, p 242-255.
(8) Le rapport de l’église Presbytérienne intitulé  » Comment garder vos jeunes gens et en attirer d’autres  » 1998 affirme que parmi les jeunes gens interrogés pour ce rapport qui ont quitté l’église  » La plupart ont cessé les activités de l’église (l’école du dimanche, les clubs etc.) avant ou durant leur treizième année « . p 31.
(9) Une interprétation commune du Proverbes 22:6 :  » Enseigne ton enfant dans la voie qu’il doit suivre et quand il sera grand il ne s’en détournera pas. « 
(10) Willits, F.K. & Crider, D.M. (1989) Les croyances religieuses traditionnelles chez les adolescents et les jeunes adultes : une enquête (Church attendance and traditional religious beliefs in adolescence and young adulthood : a panel study), Review of Religious Research. Vol 31, No 1, p 68-81.
(11) Ces pourcentages sont arrondis.

Source : Reality magazine


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